BASQUASH, outre la fraîcheur de son concept, est une série qui se distingue également par la présence de nombreux français dans l’équipe artistique. Une démarche que l’on doit à l’initiative de Thomas Romain
(OBAN STAR-RACERS) et à la volonté du célèbre Shôji Kawamori (MACROSS, ESCAFLOWNE), les deux co-créateurs de la série. Cette équipe est complétée par le jeune mais prometteur Shin Itagaki (GURREN LAGANN, BLACK CAT) au poste de réalisateur. Après OBAN STAR-RACERS dont Thomas Romain assurait le chara-design et la co-réalisation, BASQUASH est en tout cas bien parti pour marquer une nouvelle étape dans l’histoire des collaborations France/Japon. Alors que la production de BASQUASH bat son plein au studio Satelight, Thomas Romain, le co-créateur français de la série, a toutefois pris le temps de répondre aux quelques questions que nous brûlions d’envie de lui poser. Un entretien qui permet de jeter un éclairage direct sur la genèse du projet, l’implication de Kawamori et les spécificités de la production.
QU’EST-CE QUE ÇA FAIT DE TRAVAILLER AVEC UNE LÉGENDE VIVANTE DE L’ANIMATION ET DU MECHA-DESIGN TELLE QUE SHÔJI KAWAMORI ET DE SIGNER UN TRAVAIL EN COMMUN ?
Je ne connaissais ni le personnage de Kawamori, ni son œuvre avant de travailler pour Satelight. A vrai dire, je ne suis pas un fan pointu d’animation japonaise et il y a beaucoup de classiques à côté desquels je suis passé. MACROSS en fait partie. Par la suite, j’ai découvert que c’était l’un des grands Monsieur de l’animation japonaise et peut-être le mecha-designer le plus réputé actuellement. Mais une relation tout à fait naturelle s’était déjà établie entre nous. De plus, c’est vraiment une personnalité exceptionnelle. C’est un esprit brillant qui réagit au quart de tour, un puits à idées. Mais ce qui m’a le plus marqué, c’est son ouverture sur le monde, son appétit de voyages. Ce sont les innombrables séjours qu’il a fait à l’étranger qui nourrissent chacune de ses œuvres. Il a le regard tourné vers l’extérieur et c’est, en partie, ce qui m’a permis de travailler avec lui. Je suis extrêmement fier d’avoir acquis son respect et avoir mon nom apposé à côté du sien dans BASQUASH. En plus d’apprendre beaucoup à son contact, ça devrait mettre mon travail en lumière dans ce milieu où la concurrence est rude.
COMMENT T’EST VENUE L’IDÉE DE CE PROJET AUTOUR DU BASKET ?
Sur la fin de la production d’OBAN STAR-RACERS, vers l’été 2006, mon emploi du temps me redonnant un peu de liberté, j’ai commencé à réfléchir au concept et au cadre d’une nouvelle série d’animation. A ce moment-là, il se trouve que je rêvais de basket presque chaque nuit ! Les années lointaines où je pratiquais ce sport avec passion me trottaient avec insistance dans la tête. J’ai donc assez naturellement choisi ce thème pour canaliser cette énergie dans quelque chose de concret. Parmi les séries pour ados et jeunes adultes, je pense que le genre sportif donne la possibilité de réaliser des scènes d’action specta-culaires et pleines de tension tout en évitant d’avoir recours a une trop grande violence graphique. Il y a déjà tant de séries, dont d’excellentes, où les personnages passent leur temps à se battre que je ne me voyais pas en rajouter une couche, surtout qu’il ne s’agit pas d’un genre avec lequel je me sens à l’aise. Par contre, les séries strictement sportives, “spocon” en japonais, étant tout de même assez limitées, dès le début du développement se mélangeaient déjà différents ingrédients, comme un univers fantastique riche et une bonne dose d’aventure.
DANS QUELLES CIRCONSTANCES M. KAWAMORI S’EST-IL INSCRIT DANS LE PROJET ET COMMENT VOUS ÊTES-VOUS PARTAGÉS LE TRAVAIL ?
Alors que je travaillais comme designer de décors free-lance pour le studio Satelight (ARJU-NA, AQUARION, NOEIN, MACROSS FRONTIER), une des productrices a souhaité avoir un aperçu plus large de mes travaux. J’ai donc soumis un dossier plus varié auquel j’ai joint quelques recherches graphiques de mon projet sur le basket. Cela a attisé leur curiosité et ils m’en ont demandé un dossier complet. J’ai alors planché sur une version japonaise que j’ai transmise une semaine plus tard. Kawamori étant le pilier artistique du studio Satelight, le dossier a tout naturellement atterri sur son bureau et l’a accroché. Tout cela s’est fait en quelques jours à peine et au cours du premier rendez-vous avec Kawamori, il m’a proposé d’emblée de me soutenir et de participer à la création de ce projet. La condition principale était l’insertion de robots dans l’univers, sans lesquels la série n’avait, selon lui, que peu de chances de trouver son financement, et son public au Japon. En contrepartie, il me laissait carte blanche sur tout l’univers graphique dont le design des robots. Nous avons alors entamé le développement qui s’est étalé sur une période d’environ un an. Lui s’occupait principalement du développement littéraire, de la trame scénaristique et des caractères des personnages. De mon coté, je dessinais et cherchais le design des robots, les caractéristiques de l’univers, ses décors, ses figurants et les ébauches des personnages principaux. Kawamori a été d’une grande aide grâce à ses conseils portant sur le design de méchas. Les robots de BASQUASH étant ma première expérience dans ce domaine, ils n’ont pas été superflus. J’ai aussi profité de cette période de développement pour convaincre le studio de recruter d’autres artistes français, dans le but d’affirmer plus encore le style graphique propre au projet. Kawamori étant très intéressé par une collaboration poussée avec un staff non japonais, il m’a appuyé et a permis de nous entourer de quelques dessinateurs et infographistes français. Pour résumer plus simplement notre position sur le projet, disons que Kawamori en est le superviseur général et que j’en suis le directeur artistique.
SHIN ITAGAKI S’OCCUPE DE LA RÉALISATION DE LA SÉRIE. COMMENT A-T-IL ÉTÉ CHOISI ET QUEL EST SON APPORT SPÉCIFIQUE ?
Je ne sais pas exactement comment son nom est arrivé sur la table. Itagaki est un réalisateur très jeune (34 ans) mais qui a déjà de nombreux faits d’armes derrière lui. C’est la première fois qu’il travaille pour le studio Satelight, et n’aimant pas les séries de robots classiques, je sais qu’il a fallu un peu de temps pour le convaincre. D’autant plus qu’une autre série lui était proposée en même temps. Mais à l’heure toutes les séries animées ou presque sont des adaptations de mangas ou licences diverses, avoir l’opportunité de réaliser une série originale l’a probablement séduit. Il a pu orienter le scénario dans une direction qui l’intéressait, influer sur le design des personnages, modeler la série à son goût, en accord avec les autres créateurs. Là où l’apport d’Itagaki est le plus important, c’est naturellement dans la mise en scène puisqu’il dessine lui-même la majeure partie des story-boards. Et dans ce domaine, son style est très marqué. Animateur à la base, sa vision est en mouvement. Pas forcément un mouvement fluide d’ailleurs. Il aime l’exagération, les chocs, les contrastes. Il maîtrise parfai-tement les codes actuels et cherche à les pousser plus loin ou à les transgresser, à l’image de son ami Hiroyuki Imaishi pour lequel il a réalisé un épisode de GURREN LAGANN. Une des particularités du travail d’Itagaki est qu’il sait faire vivre les personnages en ajoutant à l’étape du story-board de nombreux à-côtés, à priori inutiles, mais qui enrichissent l’univers et donnent de la texture aux protagonistes. Il aime aussi montrer la face humaine des personnages en insistant sur les activités physiologiques (dormir, manger…), en mettant en valeur leurs défauts plus que leurs qualités. Les héros de BASQUASH auront du relief, seront très vivants. La philosophie d’Itagaki consiste à s’amuser dans le travail pour que le spectateur s’amuse devant son écran. Je pense que ce sera le cas.
QUID DE L’ORIENTATION MUSICALE ?
A vrai dire, je ne suis pas très au fait de cette partie là. Je n’ai pas le temps de participer aux réunions sur la musique, Itagaki s’en charge seul. Pony Canyon, qui produit des artistes, fait partie de nos sponsors. Ce sont eux qui se chargent de toute la partie musicale. Ils ont choisi Audio Highs qui a récemment composé la BO du film 20TH CENTURY BOYS. Ils comptent aussi se servir de BASQUASH comme tremplin pour lancer un groupe de trois jeunes chanteuses, qui doubleraient trois personnages dans la série.
UNE ANECDOTE AUTOUR DE LA PRODUCTION DE LA SÉRIE ?
Plutôt qu’une anecdote, j’aimerais pointer un des faits qui m’a le plus marqué en venant travailler au Japon. Contrairement à ce que l’on pourrait penser en observant de l’extérieur, et au vu de la qualité exemplaire atteinte par certaines séries animées, celles-ci sont vraiment fabriquées de manière très artisanale, avec des moyens incroyablement réduits, dans des conditions difficiles. On travaille avec des budgets deux à trois fois moindres, si on les compare à ceux d’une série animée française, par exemple. Mais l’expérience des japonais, leur organisation de la chaine de travail et le cœur qu’ils mettent à l’ouvrage compensent largement la différence. Sur BASQUASH, tout le monde fait de nombreux sacrifices pour en faire un des succès de 2009, et nous espérons que les fans français d’animation suivront la série avec intérêt.
COMBIEN DE FRANÇAIS TRAVAILLENT SUR BASQUASH ET DE QUOI SE CHARGENT-ILS ?
J’ai constitué autour de moi une petite équi-pe de dessinateurs français. Nous nous occupons en pré-production de tout le design de l’univers (décors, accessoires, robots) et sur la production elle-même de la fabrication de tous les décors (il en faut de 250 à 300 par épisode). Stanislas Brunet, qui travaillait déjà à mes cotés sur OBAN-STAR RACERS, m’assiste à la direction artistique. Une poignée d’autres sont sur les layouts décors, et nous avons aussi deux ou trois français qui travaillent à l’animation 2D. Une équipe de trois personnes dirigée par Florian Perret a également travaillé pendant presque un an à la pré-production 3D. Cette petite équipe française au sein du studio Satelight devrait permettre à BASQUASH de se démarquer du reste de la production japonaise.
Interview publié dans Coyote Mag n°30 à l’occasion de la sortie de la série BASQUATCH par Anton Guzman.
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