Interview
Interview Takehiko Inoue
On ne présente plus Takehiko Inoue et c’est bien pour ça qu’on a choisi de ne pas lui parler de SLAM DUNK mais plutôt des autres facettes de son métier et de sa vie : REAL et le handicap, ses recherches sur l’architecte Antoni Gaudí (sujet de PEPITA), ses rencontres aux quatre coins de la planète et ce qu’il a envie de lui donner, à cette planète…
Propos recueillis par Laurent Lefebvre. Photo Laurent Koffel. Interview publié dans Coyote Mag n°46 de l’été 2013.
PEPITA est bâti sur un concept original : un carnet de voyages où vous suivez les traces d’un autre artiste, d’une autre époque… Comment avez-vous eu cette idée ?
Takehiko Inoue : Dans mes mangas, je veux construire des histoires à partir de ce que la nature m’inspire. Quand j’ai vu pour la première fois des œuvres de Gaudi, j’ai ressenti combien il s’en inspirait pour créer ses architectures. Comme la Sagrada Familia par exemple, qui est façonnée sur plusieurs dizaines d’années, comme le sont les éléments naturels. Au premier regard, on peut penser que c’est une création complètement originale mais en l’observant attentivement, on entrevoit comment Gaudi a travaillé.
Quelles difficultés avez-vous rencontrées ?
Vous allez deviner : Antoni Gaudí appartient à une autre époque, et à une langue et une culture différentes. Paradoxalement, j’étais en train de chercher des points communs entre lui et moi mais à chaque pas, je me frottais à ces différences qui ont posé quantité de difficultés…
Vous évoquez dans PEPITA plusieurs rencontres avec des artisans locaux. Que représentent ces hommes pour vous, sachant que dans votre série REAL, vous développiez déjà longuement un personnage d’artisan, père d’un basketteur handicapé ?
Ce que je ressens de commun avec les artisans – et j’imagine que c’est valable pour tous les mangakas – c’est qu’ils ne se focalisent pas sur les détails inutiles. La difficulté de créer un manga est de parvenir à faire abstraction de ce qui est inutile et de se concentrer sur l’essentiel. C’est ce qui m’intéresse chez les artisans.
Ces dernières années, vous avez beaucoup voyagé en Europe et aux États-Unis. Pourquoi ?
Je n’ai pas forcément un but précis, et je n’imagine pas obtenir quoique ce soit des rencontres à l’étranger. Mais puisque vous me posez la question, je dois dire que j’ai souvent la sensation que nous avons des points communs, notamment avec les Français. Même si eux lisent mes mangas seuls dans leur chambre et même si je les crée seul, très loin, quand on se rencontre, on se comprend. En plus, souvent, ils connaissent vraiment bien mon travail et cela me fait très plaisir.
Vous arrive-t-il de penser à vos lecteurs à l’étranger en créant vos œuvres ?
Non, ça sort de mes tripes et je ne peux dessiner que ce que je ressens. Je ne pense pas posséder un moyen de faire comprendre mes œuvres au plus grand nombre. C’est pourquoi je n’ai jamais adopté une façon de travailler différente en pensant que des Français ou des Américains pourraient mieux l’apprécier. Après, tant mieux si beaucoup de gens s’y retrouvent.
Vous menez pourtant un travail énorme sur l’expressivité des visages…
C’est le moyen le plus facile pour transmettre des émotions !
Puisqu’on parle de votre dessin : pourquoi avoir remplacé le crayon par la plume en plein cours de VAGABOND ?
Je ressentais de plus en plus les limites du dessin au crayon et au stylo. La dureté de la mine se ressent, le trait lui-même devient dur. Je voulais amener de la souplesse dans le trait, dans le dessin et ce qu’il dégage. J’ai alors testé le pinceau et c’est exactement ce que je cherchais.
Une question sur REAL : quelle était votre première idée en créant cette série ? Traiter du handicap, à la fois physique et social ?
Non, ça ne m’est pas du tout venu en premier. A l’époque, je venais de voir un reportage sur le handisport, du basket. J’avais tellement adoré que j’avais envie de dessiner ça : du basket-ball en fauteuil roulant. Après, forcément, le handicap est venu se greffer au concept de ce qui allait devenir REAL. Mais pour moi, l’essentiel est sans doute de montrer que même au fond du désespoir, on peut remonter à la surface. Ça se passe toujours comme ça, avec mes histoires : sur le moment je ne me rends pas vraiment compte où mes idées m’emmènent, je m’implique de plus en plus, je fais des recherches et mes œuvres évoluent au fil du temps.
Vous avez une idée de la durée de REAL et de la manière de clore l’histoire ?
Je n’ai pas de vision précise. Je préfère que les personnages créent l’histoire à travers leurs réactions.
Je n’ai pas du tout envie de travailler en fonction d’une fin prédéfinie.
Dans tous vos mangas, on retrouve un personnage un peu voyou ou en tout cas en rupture avec les règles sociales : Nomiya dans REAL ou tout simplement Musashi dans VAGABOND…
Je vous concède que je dois aimer ce genre de personnage, celui qui vit en dehors des règles (sourire).
Le raccourci est un peu facile mais j’aimerais savoir quel genre d’adolescent vous étiez…
(il éclate de rire) Je n’étais pas autant en rupture avec la société que Nomiya mais on ne peut pas dire que j’étais un garçon sérieux et obéissant. Jusqu’à la fin du collège, je pratiquais le kendo dans le club de l’école – vous savez qu’au Japon les activités en club sont obligatoires – et au lycée, j’ai commencé le basket-ball. C’est le sport qui me motivait pour me lever le matin et aller à l’école, pas les cours.
On sait que le basket-ball est une vraie passion pour vous. En 2006, vous avez déclaré : « Dans la culture américaine du sport, les champions ont des responsabilités dans la société et sont respectés ». Vous qui êtes considéré comme un champion du manga, avez-vous envie d’avoir ce genre de responsabilités ?
Oui, je souhaite faire tout ce que je peux pour être utile à la société et ça a pris par exemple la forme d’une bourse d’étude (la « Slam Dunk Scholarship » ). Et tant pis si ça ne marche pas à tous les coups !
Le problème, au Japon, c’est que cette mentalité de vouloir réussir dans la société pour ensuite y apporter une « touche personnelle » n’existe pas vraiment. Je pense par exemple aux événements de mars 2011. Sur le moment, énormément de gens ont apporté de l’aide, à leurs familles, à leurs voisins ou à des inconnus, mais rien de concret ne se met en place sur le long terme. Et moi, j’aimerais m’impliquer et agir sur le long terme.
Remerciements à Nadia Ahmane, ainsi qu’à Fabien Nahban pour la traduction des propos.
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