Interview
Interview Perfume
Du haut de leurs 28 ans, A-chan (Ayaka Nishiwaki), Kashiyuka (Yuka Kashino) et Nocchi (Ayano Ôtomo), ont déjà passé plus de la moitié de leur vie en tant que Perfume, groupe qui recueille une adhésion inconditionnelle de tout son pays. Depuis dix ans, il est impossible de passer une journée à Tokyo sans les croiser au détour d’une publicité, d’un clip ou d’une sonnerie de portable. Rencontre avec les petites fiancées du Japon.
Créé en 2000 au sein de l’Actors School de Hiroshima, le trio est produit dès 2003 par Yasutaka Nakata, “electro imperator“ du Japon et explose en 2007 avec le single POLYRHYTHM. Depuis, le groupe accumule les succès que ce soit dans la catégorie techno (elles sont aussi populaires que YMO) ou dans le genre girls band (elles sont les secondes à avoir rempli le Tokyo Dome depuis SPEED).
Le 28 février 2012, elles quittent Tokuma Japan pour signer chez Universal qui leur offre un tremplin à l’échelle mondiale. Après une tournée en Asie continentale cette même année, Perfume s’attaque à l’Europe en 2013, d’abord avec trois concerts cet été (dont le Bataclan plein comme un œuf le 7 juillet 2013) puis avec une édition spécifique de leur quatrième album, LEVEL3.
Coyote Mag : Qu’est-ce qui vous a donné envie d’intégrer l’Hiroshima Actors School ?
Nocchi : Enfant, j’aimais beaucoup regarder à la télé le groupe SPEED qui avait fait une Actors School à Okinawa. J’ai décidé de faire comme elles et, comme il y en avait une à Hiroshima, je m’y suis inscrite.
A-chan : Depuis toute petite, j’aime être regardée. J’étais modèle pour enfants et mon rêve était de devenir mannequin. J’étais également fan du groupe SPEED et ma mère a fini par céder à mes demandes et m’inscrire à cette école.
Kashiyuka : Au départ, je n’étais intéressée ni par la musique ni par la danse, mais mon frère voulait être chanteur. Le jour de son audition je n’avais rien à faire, alors je l’ai accompagné, j’ai passé les essais sur place et j’ai été retenue.
Le producteur George Martin fut surnommé « le cinquième Beatles ». Peut-on en dire autant du vôtre, Yasutaka Nakata ? Ou de votre chorégraphe, Mikiko Mizuno ?
A-chan : Pour nous, ce serait surtout Mme Mizuno, qui nous accompagne depuis nos débuts. Cela fait quatorze ans maintenant. Elle n’a pas été là pour des raisons d’argent, de statut, ou pour quoi que ce soit d’autre. C’est vraiment elle le quatrième membre des Perfume.
Nocchi : En revanche, notre producteur, M. Nakata… Il crée évidemment les chansons, les paroles, les musiques, mais c’est quelqu’un qui reste à distance. Quand il nous donne un nouveau titre, nous sommes vraiment reconnaissantes et réjouies de pouvoir interpréter ses chansons, mais il se positionne presque « au-dessus », un peu comme un démiurge.
Vos titres sont basés sur une rythmique très froide et techno. Comment faites-vous pour les « humaniser » ?
Kashiyuka : Peut-être parce que c’est une musique entière et égale et parce que les paroles s’adressent à tout le monde, nos chansons touchent les gens. On traduit ce paradoxe quand on fait des performances en live avec des chorégraphies où nous agissons comme des poupées, des androïdes. Durant les MC (passages où les artistes s’adressent à leur public), nous sommes vraiment nous-mêmes et vous pouvez sentir notre chaleur, notre énergie. Le contraste entre le côté froid de la danse et nos discours très vivants, c’est aussi une de nos caractéristiques.
Vous êtes sur le point d’être connues à l’échelle mondiale, et votre dernier album en date, JPN, souligne votre fierté d’être japonaises et votre refus de vous adapter pour le marché international. Comment allez-vous faire pour communiquer avec votre public non-japonais ?
A-chan : Bien sûr, il y a la barrière de la langue. On essaie à chaque fois de dire quelques mots dans la langue du pays, c’est ce qu’on a fait pendant notre tournée asiatique l’année dernière. Le problème c’est que quelquefois, ils ne comprennent pas davantage (rires). Mais je crois vraiment qu’entre notre volonté de transmettre et l’envie de recevoir de notre public, il y a une communication possible. À travers la musique bien sûr, et à travers des émotions, le fait de partager tous ensemble un moment de joie dépasse certainement la différence de langues. Et si grâce à cela, les personnes pouvaient découvrir et aimer le Japon à travers nous, ce serait génial.
POLYRHYTHM apparaît dans CARS 2, MIRAI NO MUSEUM est la chanson-thème du dernier film de DORAEMON… Envisagez-vous une prochaine collaboration avec un dessin animé ?
A-chan : On a remarqué qu’en France, il y a beaucoup d’artistes interprétant des chansons de dessins animés qui vous sont très connus, mais qui ne le sont pas forcément au Japon. C’est un peu le monde à l’envers : il y a des artistes japonais qui sont présentés au Japon comme étant célèbres en France. D’autre part, notre collaboration avec DORAEMON était une première pour nous. On nous a dit que nous avions des voix caractéristiques alors peut-être qu’un jour, nous ferons des voix de personnages, et pas seulement des chansons… Les bandes originales d’anime sont aussi un moyen de faire connaître le Japon dans votre pays, et notre musique électro est diverse et se marie très bien avec les anime, alors pourquoi pas ? L’avenir nous le dira !
Interview réalisé par Matthieu Pinon publié dans Coyote Mag n°46 (été 2013) Remerciements à Fanny Le Monnier. Traduction : Yukiko Oshima
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