QUAND VOUS ÉTIEZ JEUNE, ÉTIEZ-VOUS PLUTÔT TV OU CINÉMA ?
Je regardais plutôt la télévision. A cette époque, mes camarades et moi étions fans d’une série où Shin’ichi Chiba (alias Sonny Chiba, ndr) avait le rôle principal, KEY HUNTER. Même quand nous étions dehors en train de nous amuser, dès que l’heure de KEY HUNTER se rapprochait, nous rentrions chez nous pour ne pas rater l’épisode. Plus tard, j’ai pu rencontrer mon idole M. Chiba, lors d’une audition. J’ai également joué dans KEY HUNTER à 17 ans.
AVEZ-VOUS APPRIS LES ARTS MARTIAUX AVANT D’ENTRER AU JAC (JAPAN ACTION CLUB) ?
Non, c’est en entrant au JAC que j’ai vraiment pratiqué les arts martiaux. J’avais fait un peu de judo auparavant, mais rien de sérieux. Sinon, pour tout ce qui est gymnastique, c’est pareil. Je savais faire un flip arrière, à tout casser, mais pas plusieurs d’affilé, ni de salto. Je me suis mis aux arts martiaux pour apprendre à bouger à l’écran.
POURQUOI ÊTES-VOUS ENTRÉ AU JAC ?
Il n’y avait pas trop de boulot. Je fais partie de la première génération d’élèves, mais il y avait la génération zéro avant nous, celle qui a fondé le JAC. Ils étaient sept ou huit. Lorsque j’ai passé les examens d’admission, sur trente participants, seulement six, moi inclus, sont parvenus à intégrer le JAC. Par la suite, quatre sur les six ont abandonné au cours du premier mois car les entraînements étaient vraiment durs. C’est un métier qui nécessite l’utilisation de muscles que l’on n’utilise pas d’habitude. Par exemple, nous devions apprendre à chuter sans matelas. Nous en utilisions uniquement lorsque nous grimpions à la corde à dix mètres de hauteur.
AVANT DE TOURNER DANS LA SÉRIE SAN KU KAI, AVEZ-VOUS PARTICIPÉ AU LONG-MÉTRAGE DE KINJI FUKASAKU QUI L’A INSPIRÉE, LES ÉVADES DE L’ESPACE ?
Oui, j’y joue le rôle d’un méchant. M. Fukasaku était quelqu’un de très consciencieux. Il était capable de déceler les fautes parmi plusieurs dizaines d’acteurs. Pendant une scène regroupant un grand nombre de personnes, il pouvait interpeller un figurant : “Hé, toi, dans le fond ! Pourquoi du te marres, là ? Ce n’est pas du tout l’ambiance !”.
QUE PENSEZ-VOUS DE LA CARRIÈRE DE HIROYUKI SANADA (ALIAS HENRY SANADA / AYATO DANS SAN KU KAI, NDR), QUI EST DEVENU CONNU APRÈS AVOIR ARRÊTÉ LES CASCADES ?
Hiroyuki Sanada a débuté comme moi au JAC en tant que cascadeur. Nous avons des amis communs qui sont décédés durant des scènes d’action. Ce sont les risques du métier. Sanada aussi a eu un accident, qui l’a atteint au niveau des hanches, ce qui l’empêche désormais de faire des cascades. Je pense que le jeu d’acteur et les talents de cascadeur sont deux choses à ne pas mélanger. Il faut donc considérer le Hiroyuki cascadeur, qui a su s’imposer à son époque, et le Hiroyuki acteur d’aujourd’hui. Même s’il ne peut plus réaliser de scènes trop dangereuses, les gens peuvent maintenant l’apprécier pour ses talents de comédien.
COMMENT SE PASSE L’ASCENSION D’UN CASCADEUR ?
Cela dépend, mais on ne peut pas vraiment parler d’ascension. Certains ne veulent pas être acteur, d’autres oui, tout en restant cascadeur. Parmi ceux-là, certains deviennent directeurs de chorégraphie. Mais cela ne peut se faire facilement, il faut une période de transition. Ils suivent donc des aînés plus expérimentés sur les tournages, afin de les observer et d’apprendre le métier. Ensuite on commence par leur confier de petites chorégraphies. S’ils deviennent chorégraphes titulaires, ils peuvent enfin entrer dans le milieu. Aujourd’hui, être cascadeur est devenu plus difficile, même à Hollywood. A cause des nouvelles technologies, et des images de synthèse notamment, ce métier se fait de plus en plus rare.
POURQUOI VOUS A-T-ON CHOISI POUR JOUER X-OR ?
Sur ce genre de série, le salaire n’est pas proportionnel au nombre de rôles que l’on joue. Généralement, il faut payer des acteurs pour jouer les héros non costumés, et d’autres acteurs pour les héros transformés. Alors, si je jouais les deux rôles moi-même, la production économisait un salaire. Mais finalement, on m’a demandé de n’incarner que le personnage non costumé. J’avais déjà tourné dans deux séries “sentaï” avant X-OR, BATTLE FEVER et DENZIMAN, dans lesquelles on m’avait confié un rôle pour 25 épisodes à chaque fois. Mais nous étions cinq à cette époque, donc si un acteur se blessait, on pouvait réduire à 4 membres sans problème. Alors que pour X-OR, j’étais seul. En fait, cela m’embarrasse un peu de le dire, mais personne ne voulait incarner le personnage de X-Or, qui est un extraterrestre. Ce sont les équipes de tournage de BATTLE FEVER et DENZIMAN qui m’ont recommandé pour le rôle alors j’y suis allé. Lors des premiers entretiens, les producteurs m’ont notamment précisé que j’aurais un meilleur salaire que jusqu’alors. J’ai vraiment ressenti qu’ils avaient beaucoup de respect envers moi.
AVEZ-VOUS AJOUTÉ UN PEU DE VOTRE TOUCHE PERSONNELLE AU PERSONNAGE ?
C’est moi qui ai eu l’idée du “Laserolame”. Ils voulaient un sabre qui brille, alors j’ai proposé d’en faire carrément un façon sabre laser. Pareil pour la pose de X-OR, c’était mon idée. Je pense que les enfants attendaient un héros comme X-OR. Avant, il y avait déjà des séries comme ULTRAMAN (1966) et KAMEN RIDER (1971) mais le public voulait quelque chose de neuf.
QUELLE EST VOTRE ACTUALITÉ ET QUELS SONT VOS PROJETS ?
Aujourd’hui, je suis producteur, coproducteur et consultant sur des séries. De nos jours, au Japon, pour être apprécié du public, il faut participer aux émissions de variété. Habituellement, c’est l’inverse : on est invité dans une émission parce que notre série est un succès. Mais actuellement, le problème est que le succès d’une série dépend de ce qu’en dit la télévision. Donc pour qu’une série marche, on doit payer les chaînes pour en parler dans leurs émissions. Si cet argent été employé à l’évolution du studio de tournage par exemple, on pourrait améliorer la qualité des programmes… Mais plutôt que d’être devant la caméra, je veux former des jeunes et j’ai surtout très envie de réaliser. Je voudrais tourner des œuvres sans avoir à utiliser trop de trucage.
Je tournerais bien dans des décors fabriqués à la main par exemple, avec des angles de prise de vue originaux. Cela fait des années que j’en parle, mais, hélas, personne encore ne m’a offert cette chance, à part sur X-OR : les explosions derrière le personnage quand il arrive à l’écran, et dit son nom, c’était mon idée. J’aimerais réaliser mes fantasmes de réalisateur, un jour.
COMMENT AVEZ-VOUS ÉTÉ CHOISI POUR JOUER DANS KILL BILL ET BATTLE ROYALE 2 ?
Quentin Tarantino est un fan de Shin’ichi Chiba. Moi, j’avais joué un rôle pour les besoins duquel j’avais dû me raser la tête dans la série HATTORI HANZO : KAGE NO GUNDAN. Tarantino et son équipe l’ont regardé et ont trouvé ce personnage très intéressant. Ils ont ainsi décidé d’en intégrer un du même genre à KILL BILL. Pour BATTLE ROYALE 2, M. Kinji Fukasaku, qui devait le réaliser, est décédé alors que le casting n’était pas encore terminé. Nous étions encore sept à devoir auditionner pour mon futur rôle. Son fils, Kenta, m’a alors choisi, car son père avait souvent tourné avec des membres du JAC. C’était l’occasion de pouvoir lui rendre hommage sur ce film.
A PART KILL BILL, AVEZ-VOUS TOURNÉ DANS D’AUTRES FILMS OCCIDENTAUX ?
Dans THE BUSHIDO BLADE (avec Toshirô Mifune, Shin’ichi Chiba et James Earl Jones, ndr), je crois que c’est tout. En fait, je ne songe plus vraiment à jouer la comédie, j’ai tourné la page. Si on devait me proposer un rôle, il faudrait que ce soit un personnage qui ne dit pas un mot. Je ne parle pas de copier Charlie Chaplin qui avait son propre monde dans le cinéma muet, mais d’un rôle dans une série normale, où mon personnage n’aurait aucune réplique. Je devrais m’exprimer avec mon corps et mon visage uniquement, avec des attitudes. Pour être honnête, je n’aime pas vraiment les personnages trop bavards.
SURPRIS DU NOMBRE DE FANS VENUS VOUS VOIR AU CHIBI JAPAN EXPO ?
Je suis moi-même fan de X-OR, alors je les comprends. Et surtout, je suis heureux d’avoir tous ces remerciements pour une série sur laquelle j’ai risqué ma vie.
Interview publié dans Coyote Mag n°30 (mars 2009) par Frédéric Ambroisine et Thomas Maksymowicz. Photos Laurent Koffel. Merci à Pierre Giner et Frérédic Frot.
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