Cinéma
INTERVIEW BRAD BIRD
En salles depuis une semaine en France, LES INDESTRUCTIBLES 2 explose tous les records au box-office français et international. Venu au Festival d’Annecy en juin dernier, Brad Bird, génial réalisateur du premier volet des INDESTRUCTIBLES et de RATATOUILLE pour le studio Pixar, du cultissime GEANT DE FER pour les studios d’animation Warner, et de MISSION IMPOSSIBLE GHOST PROTOCOL en prises de vue réelles, peut aujourd’hui se rassurer après l’échec commercial incompréhensible du MONDE DE DEMAIN. La suite des aventures des super héros de la famille Parr plonge le spectateur à la poursuite d’un vilain insaisissable : l’Hypnotiseur. L’occasion pour Brad Bird d’explorer des thèmes très actuels (la dépendance aux écrans) et surtout de rappeler qu’en matière de mise en scène pure, il compte parmi les tous meilleurs réalisateurs du monde…
On a pu voir récemment des films de super héros mettant en valeur des femmes. Mais dans le vôtre, cette mise en valeur est un des sujets principaux du film, nourrissant les relations entre Elastigirl et Monsieur Indestructible. Comment avez-vous abordé la dimension féministe de votre scénario ?
Je ne sais pas trop vous savez. Je crois que Wonder Woman a pris une part importante dans ce débat depuis combien ? Soixante ans ? Mais il est vrai que cette dimension était présente dans le scénario bien avant que le féminisme soit devenu cool puisque je l’écris depuis quatorze ans. Mais je ne l’ai jamais abordé sous un angle politique. Je me suis simplement interrogé sur les développements amusants qui pourraient toucher les personnages. Déstabiliser Bob et illustrer le parti d’Hélène était quelque chose d’établi dès le début du premier film lorsqu’elle manifeste très clairement qu’elle n’a pas du tout l’intention de se ranger et qu’elle est très à l’aise dans la compétition avec les hommes. Cette facette d’Hélène ressort dans le nouveau film mais cette fois de façon professionnelle. Dans le premier film, Hélène remettait son costume car sa famille était en danger. Désormais elle l’assume de façon explicite : c’est son job.
Vous développez ce scénario depuis très longtemps mais quand avez-vous imaginé le personnage de l’Hypnotiseur ?
Il y a environ deux ans.
A quel point étiez-vous conscient que ce personnage de vilain allait résonner très fort aujourd’hui, dans un monde où nous sommes envahis par les écrans ?
J’ai des fils vous savez. Ils ont des smartphones. Ils jouent à des jeux vidéo. Donc oui, tout à fait. Nous sommes de plus en plus absorbés et hypnotisés avant même que quelqu’un de mal avisé ne mette des instruments de contrôle dans nos cerveaux. La plupart des multinationales qui fabriquent ces écrans et ces contenus emploient des scientifiques qui savent exactement comme déclencher des comportements addictifs. Et c’est ça qui rend ces produits tellement populaires. J’avoue être persuadé que ce n’est pas bon pour nous à long terme et que le point de vue du public sur ces écrans va nécessairement évoluer d’ici dix ans. Je ne sais pas si ce sera en bien ou en mal. Mon fils, qui avait prêté sa voix à Tony Rydinger dans le premier film, travaille désormais dans la Silicone Valley. Il est très au fait de ces technologies, il peut démonter et remonter un ordinateur Mac pièce par pièce. Et il m’a parlé d’une routine qu’il a avec ses collègues. A l’heure du déjeuner, tout le monde pose sont smartphone au centre de la table. Celui qui touche son téléphone avant la fin du repas doit régler la note. Cela illustre bien que même ceux qui réfléchissent et fabriquent ces écrans ont conscience que nous y accordons bien trop de temps. Et d’une façon plus globale, j’ai l’impression que le grand public commence à réaliser qu’il est très facile de développer un comportement addictif avec ces appareils et que nous avons besoin d’une consommation plus saine et raisonnable. Mais, d’un autre côté, je me souviens aussi que mes parents me disaient sans cesse que je regarde trop la télévision donc l’idée que les écrans représentent un danger potentiel n’est pas nécessairement une idée très inédite.
Nous avons été éblouis par les séquences d’action, par leur aspect inédit. Nous n’avions jamais vu ou imaginé une foreuse géante au milieu de gratte-ciels ? Quel est le processus d’écriture de Brad Bird lorsqu’il aborde ces scènes ?
Et bien tout d’abord, Brad Bird ne travaille pas tout seul (rire). Et Brad Bird reconnaît le talent énorme de ses collaborateurs. Parfois il m’arrive en effet d’avoir une idée qui me semble intéressante et je la présente à l’équipe. Mais d’autres fois, l’idée évolue. La séquence de l’hélicoptère était au départ conçu pour un jet. L’avion plongeait vers une forêt de buildings tandis qu’Hélène essayait d’en garder le contrôle. Pour éviter le crash, l’avion devait rebondir de façon stratégique sur les immeubles. J’adorais cette idée mais l’image d’un avion au milieu d’immeubles et au-dessus d’une ville bondée évoquait inévitablement le 11 septembre 2001 pour le public américain. Et personne ne souhaitait que l’attention des spectateurs soit distraite au beau milieu d’une scène d’action pure. Nous avons donc réfléchi à comment tirer parti de cette situation de perte de contrôle au-dessus d’une ville sans évoquer le 11 septembre. Un de nos designers a alors évoqué l’idée de plusieurs véhicules. Quand quelqu’un d’important se déplace, il utilise plusieurs voitures pour qu’on ne sache pas dans laquelle il se trouve. Cela a débouché sur plusieurs hélicoptères, puis sur une confrontation d’hélicoptères puisqu’ils sont contrôlés par l’Hypnotiseur. Donc il n’existe pas de processus idéal. Certaines scènes sont écrites et parfaitement élaborées dès le départ et nous les mettons en scène exactement que je les ai imaginées. D’autres scènes partent dans une direction puis nous réalisons qu’elles ne fonctionnent pas ou pas complètement. Nous tentons autre chose et soudainement quelqu’un fait une excellente suggestion que nous adaptons, puis nous changeons à nouveau d’avis au bénéfice d’une nouvelle idée et justement, cette scène là en particulier a énormément évolué.
Comment expliquez-vous est votre attrait pour le design américain du milieu du XXième siècle, très présent dans LE GEANT DE FER ou dans le monde des INDESTRUCTIBLES ?
Je crois que je me souviens tout simplement de la vie à cette époque (rire). Je n’ai pas souvenir des années 50, j’étais trop jeune, mais je me souviens bien des années 60. J’aime simplement ces designs. Tout était dessiné et élaboré avec soin, les designs étaient intéressants et agréables à regarder. La mode dans les années 60 était formidable par exemple, en particulier la mode féminine avec l’arrivée des bottes et le raccourcissement des jupes. Dans les années 70, le cinéma était incroyable mais la mode était devenue horrible. Matthew Weiner a redécouvert les années 60 et souligné l’élégance des designs et de la mode dans la série MAD MEN. Il nous a rappelé qu’à cette époque, les gens se sapaient pour aller au restaurant ou pour prendre l’avion. Et cet art de vivre avait une dimension incroyablement cool quand on y pense. Il y avait aussi plein de choses dans les années 60 qu’on préfère aujourd’hui oublier mais quand on pense au design, il y avait tellement de choses géniales avec lesquels on peut jouer aujourd’hui.
Dans LES INDESTRUCTIBLES, j’avoue qu’il y en effet l’idée d’une vision alternative d’une époque allant de la fin des années 50 à la fin des années 60 avec une grosse dose de futurisme. Il se trouve que quelqu’un a un jour décrété sur Internet que l’action se passe précisément en 1962 ! Et on doit aujourd’hui expliquer que pas du tout !
Pour le GEANT DE FER en revanche, le design est directement en rapport avec l’histoire. Dans le roman original, le robot ne vient pas de l’espace, il sort de l’eau quelque part près de la Grande-Bretagne à une époque indéterminée. Quand j’ai présenté ma vision de cette histoire à la Warner Bros., le concept pouvait se résumer à « et si une arme avait une âme et ne voulait plus être une arme ? ». Quelle est la meilleure période pour raconter cette histoire ? A quelle époque les gens seraient les plus paranoïaques face au géant, les moins capables de l’accepter ? 1957 car c’était l’année où les américains avaient au-dessus de leurs têtes un satellite à qui ils prêtaient des pouvoirs énormes. Nous ne savions pas qu’il s’agissait à peine d’un transistor avec un ou deux récepteurs radio. Tout de suite, nous avons imaginé que le Spoutnik allait lâcher des bombes sur nous. Nous étions dans une paranoïa complète. C’était une époque géniale pour y faire atterrir un géant de métal haut comme un immeuble ! Donc les designs dans mes films sont parfois totalement intentionnels et parfois simplement dû au hasard ou à la nécessité. Dans LES INDESTRUCTIBLES, j’ai toujours souhaité y retrouver ce que j’adorais quand j’étais enfant mélangé à ce que ma famille m’inspire.
Qu’avez-vous dit à Michael Giacchino pour qu’il écrive une musique aussi puissante, riche et complètement débridée ?
Je lui ai demandé : « Hmmm, ça ressemblerait à quoi si tu étais complètement déchaîné Michael ? » (Rire). Il a eu en réalité des doutes. Il était un poil réticent au début. Pas sérieusement bien sûr, j’avais de quoi le convaincre. Il était sceptique en réalité sur l’intérêt de faire cette suite. Il était très satisfait de ce qu’on avait fait sur le premier film et il avait peur de la répétition et de la routine. Mais il adore cette musique. Et ce n’est pas seulement à cause de l’influence de John Barry, qu’on vénère tous les deux. Il y a aussi Hoyt Curtain, Henry Mancini, Jerry Goldsmith… tous ces compositeurs qui ont fait des choses extraordinaires à cette époque. Michael adore travailler dans ce registre. La musique des INDESTRUCTIBLES c’est un océan de cuivres, des cors que vous faites jouer avec fureur. Si vous pouvez souligner un instant avec une explosion de cors, vous ne pouvez pas l’ignorer, vous ne pouvez pas faire semblant d’être ennuyé. C’est une des marques de fabrique de ce film, une intensité qui passe souvent par la musique. Mais ce n’est évidemment pas le seule aspect et Michael a largement prouvé qu’il savait tout faire et qu’il s’adapte avec talent. La musique de RATATOUILLE est très différente. Il avait donc des inquiétudes au début et voulait vérifier si cela allait fonctionner mais il a fini par tout déchirer.
Propos recueillis par Thomas Maksymowicz lors du Festival International du Film d’Animation d’Annecy. Remerciements à Aude Thomas (The Walt Disney Company)
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