Cinéma
Captain America : The Winter Soldier
LA CRITIQUE DU COYOTE !
En salle aujourd’hui, The Winter Soldier s’affirme, à la suite de The First Avenger, comme le seul film estampillé Marvel / Disney capable d’assumer la profondeur et le sérieux dû à son modèle de papier. Coyote decrypte pour vous un film qui relève enfin le niveau !
Autant l’assumer, notre rédaction ne compte pas parmi les fans des super-héros du « Marvelverse » tels que défendus par une série de long-métrages techniquement soignés, mais rarement intéressants. Si la 20th Century Fox peut être accusé d’avoir massacré DARDEVIL ou LES 4 FANTASTIQUES, les fans peuvent la remercier pour des adaptations des X-MEN aussi épineuses que, finalement, réussis dans la plupart des cas (hormis le « travail » impersonnel de Brett Ratner sur X-MEN THE LAST STAND).
Dans le cas de l’association Marvel / Disney, autant le studio aux grandes oreilles apporte un investissement financier unique et son incomparable sens du marketing, autant les super-héros ont tous été digéré par un cahier des charges qui favorisent malheureusement les critères de divertissement les plus faciles. À tel point que les présences d’auteurs/réalisateurs avec une réelle personnalité artistique (Kenneth Brannagh pour THOR, Shane Black pour IRON MAN 3), voire une véritable légitimité (Joss Whedon, et son passif de scénariste sur ASTONISHING X-MEN, pour AVENGERS) ne sont pas parvenus à restituer la densité que des milliers de pages de comics ont pourtant imposées.
La faute d’abord à des vilains qui, dans leurs versions filmiques, manquent systématiquement de consistance. Les comédiens choisis faisaient pourtant envie : Jeff Bridges, Mickey Rourke et Ben Kingsley dans la trilogie IRON MAN ou même Tom Hiddleston, un des comédiens britanniques les plus prometteurs, dans THOR et AVENGERS. Ils sont tous au final plus ou moins désincarnés à l’instar des motivations creuses d’Obadiah Staine, du manque de charisme à l’écran de Loki ou de leur ridicule involontaire (Ivan Vanko) ou assumé (Le Mandarin dans IM3 ou Loki dans AVENGERS finissants en objets de gags littéralement burlesques). On peut trouver mille et un défauts à la trilogie BATMAN mise en scène par Christopher Nolan mais on attend toujours du côté de Marvel/Disney un vilain du calibre du Joker sidérant créé par Heath Ledger ou même de Bane (Tom Hardy) dans DARK KNIGHT RISES.
La faute également à un traitement des personnages qui ne s’oppose en rien à une tendance à la comédie d’aventure. A lui-seul, le cabotinage à la longue fatiguant d’un Robert Downey Jr. réduit à l’état d’anecdotes les enjeux tragiques que les scénarios tentent parfois de développer. Les menaces ou les handicaps qui pèsent sur nos héros sont résolus le temps d’une vanne et les money shot à 100 000 dollars la seconde deviennent au mieux de jolis posters en mouvement. Enfin, malgré les difficultés particulières liées à l’univers de Thor, peut-on malgré tout parler d’adaptations mémorables dans les deux opus qui lui sont consacrés ?
LA DIGNITE DU CAP…
Seule exception dans ce concours de comédies à grand spectacle, CAPTAIN AMERICA THE FIRST AVENGER posait les bases d’une approche classique, enracinée dans le sérieux de sa mythologie, aussi émouvante que sincère, exploitant un humour qui n’oublie jamais de faire avancer la narration ou d’enrichir les personnages. Oui, THE FIRST AVENGER est, de très loin, le meilleur script et au final le meilleur film de la « phase 1 ». THE WINTER SOLDIER porte ainsi logiquement sur ses épaules tout le poids d’une crédibilité et d’une profondeur encore à établir pour le salut artistique d’une multi-franchise sans précédent.
La présence des frères Russo à la réalisation soulevait de nombreux doutes. Qu’ils soient des metteurs en scène et des directeurs d’acteurs doués et intelligents, c’est indéniable. N’importe lequel de leurs épisodes pour ARRESTED DEVELOPPMENT ou leur long-métrage de référence, BIENVENUE À COLLINWOOD, le démontre. Comme Kenneth Brannagh, Ang Lee, Brian Singer, Christopher Nolan, Jon Favrau ou Shane Black, ils ont à priori une maîtrise remarquable de la comédie, voire du suspense et du thriller mais ont-ils ce qu’il faut pour proposer du grand cinéma d’action ? La question ne se posait pas pour le vétéran Joe Johnston qui, par sa seule présence, semblait justifier le rupture de ton de THE FIRST AVENGER au milieu des autres films de la phase 1. La rigueur de ses découpages, la justesse et/ou la beauté naturelle de la direction artistique de tous ses films, sa maîtrise aussi bien du film d’aventure pour enfants (JUMANJI, CHERI J’AI RÉTRECI LES GOSSES) que du drame familiale (OCTOBER SKY), lui ont toujours évité de tomber dans la médiocrité. Même lorsqu’il assume le job pour maintenir en vie une franchise comme JURASSIC PARK ou quand il s’attaque à des adaptations avec des héros aux looks « compliqués » (THE ROCKETEER, THE WOLFMAN, CAPTAIN AMERICA), ses propositions nous rappellent à chaque fois qu’il demeure un cinéaste élégant, techniquement très complet, qui cultive un respect rare à la fois pour le matériel adapté et pour le genre abordé.
ATOUTS
En attendant de vérifier s’ils étaient capables de produire des scènes d’action et respecter l’héritage du film de Joe Johnston, les frères Russo pouvaient compter sur le travail des scénaristes Christopher Markus et Stephen McFleely. Des auteurs dont le travail a trop souvent été, osons le mot, salopé par des producteurs et des réalisateurs peu concernés. Dans la trilogie NARNIA, les scénarios sont ils objectivement aussi mauvais que les castings, les orientations de la direction artistique et le manque d’ambition des mises en scène ? Le polar YOU KILL ME est-il si désastreux sur le papier ? Peu importe, les réussites de THE FIRST AVENGER, MOI, PETER SELLERS, le formidable biopic de Stephen Hopkins ou le très étonnant NO PAIN, NO GAIN, nous rappellent qu’avec des réalisateurs rigoureux et impliqués (et croyez nous, Michael Bay est un réalisateur TRÈS rigoureux), ces types sont à l’origine d’excellents films.
Les partis pris du scénario de THE WINTER SOLDIER sont d’ailleurs très justes. L’adaptation au monde moderne d’un héros qui a grandi dans les années 30 constitue le principal ressort humoristique du film. Un ressort amplement suffisant pour apporter juste ce qu’il faut de légèreté au moment où il faut. Après celui de THE FIRST AVENGER, le script donne également l’espace nécessaire aux personnages pour être correctement exposés. Il aura fallu par exemple attendre quatre films pour donner un passé, des émotions et une crédibilité à la Veuve Noire et valoriser le talent d’actrice (n’est-ce pas la moindre des choses ?) de Scarlett Johansson. Un très bon point également pour les nouveaux venus tel Le Faucon campé par Anthony Mackie (acteur devenu étonnant depuis, justement, NO PAIN, NO GAIN…) et profitant d’un design et d’une mise en scène palpitantes à l’heure où il revêt son costume 100% technologique et doté d’un rendu réaliste qui a le mérite de ne pas trahir l’héritage graphique du personnage. Egalement, le scénario prend un véritable risque en convoquant la mythologie de l’Hydre déjà en vedette dans THE FIRST AVENGER. Nous n’en dirons pas plus ici mais les idées assez tordues développées pour cet élément crucial de l’intrigue sont particulièrement bien « vendues » et valorisent un principe de « théorie du complot » déjà exploitée dans IRON MAN 3 à la différence près que le concept relève ici d’un imaginaire propre à du comic book, pas à une tentative vaine d’établir un parallèle avec une actualité politique abstraite ou un « ennemi intérieur ».
L’influence du réalisme des polars politiques des années 70, revendiqués par les réalisateurs, devient ici un moyen de crédibiliser des fantasmes de bande dessiné et ne constitue pas une fin en soi. Le personnage de Robert Redford, figure convenue de dirigeant politique corrompu trouve justement sa véritable dimension dans un cadre mythologique en rupture avec le principe de réalité qui sous tend le film. Le second acte relève d’ailleurs du pur film d’espionnage paranoïaque. Nick Fury enfin, interprété par un Samuel Lee Jackson égal à lui-même, gagne de l’épaisseur à l’instar de la Veuve Noire, en faisant l’objet, tout seul, d’une des meilleures scènes d’action du film, imaginative, brutal et savamment goupillée par Spirito Razatos, précieux réalisateur de seconde équipe spécialisé dans les poursuites automobile. Aurait-ce été trop demander aux autres films de la franchise de valoriser ce personnage, même à minima, lors de scènes d’action ? THE WINTER SOLDIER a su réparer ce manque embarrassant de clairvoyance.
LE SOLDAT DE L’HIVER
Et qu’en est-il du vilain ? Les lecteurs de l’arc archi plébiscité, et scénarisé par Ed Brubaker en 2005 attendent avec impatience l’adaptation du retour fracassant de Bucky Barnes, frère d’arme de Steve Rodgers durant la guerre, sous les traits cyber-psychotique du Soldat de l’Hiver. Là encore, le scénario organise une continuité intéressante avec le premier opus, et le film réussit à présenter un personnage peut être handicapé par la fadeur du comédien Sebastian Stan mais résolument charismatique, efficace et d’autant plus effrayant lorsqu’il entre en action. N’oublions pas également un gros big up aux équipes techniques du film qui se sont surpassés à de nombreux niveaux : les chorégraphies des combats, l’originalité du déroulement de la plupart des scènes d’action et des cascades, la qualité de la seconde équipe, les effets de plateaux ou les effets visuels sont de tout premier ordre. Les amateurs de scènes d’action au découpage précis et soignés en seront en revanche pour leur frais : le film adopte trop souvent un style à base de caméra portée, de cadrages rapprochés et de montage rapide. Un style « moderne » devenu avec les années le signe d’une absence d’imagination, voire de maîtrise de ce type de scène. Le résultat ne manque pourtant pas de lisibilité et vous aurez tout à gagner à prendre du recul durant votre séance : en un mot évitez les dix premières rangées si vous souhaitez apprécier pleinement des séquences d’action plutôt bien rythmées et s’appuyant sur des idées peu ordinaires.
La copie aurait été parfaite si l’accent québécois de terroristes « français » ne venait pas polluer la séquence d’ouverture, si certains personnages n’étaient pas totalement inconsistants et inutiles (Brock Rumlow alias Crossbones) ou si le final n’évitait pas un gigantisme et une phase de destruction massive déjà servis à toutes les sauces par les bockbusters estivaux depuis cinq ans… Malgré ces accrocs, THE WINTER SOLDIER a retenu les leçons d’un premier film sans bénéficier pour autant de la saveur particulière de sa dimension historique. Qu’importe, au cœur de cet effort continuité, le personnage de Captain America (et son profil de super héros classique à la fois droit, humble et sincère) semble résolument le seul à même de répondre aux handicaps scénaristiques qui hantent probablement déjà AVENGERS : AGE OF ULTRON. La prochaine fois qu’un Vengeur décidera de se « sacrifier », peut-être que nos poils auront enfin une chance de se soulever.
Remerciements à Aude Thomas. Photos : Laurent Koffel
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