Interview
BURLESQUE GIRL : entretien avec François Amoretti
Connu pour ses très beaux albums illustrés sortis chez Soleil, qui fusionnaient contes de fées et esthétique goth lolita, également habitué des pages de Coyote Mag, François Amoretti est un dessinateur français fortement influencé à la fois par la culture japonaise et celle du rock’n’roll. Aujourd’hui hébergé par Ankama Éditions, il a sorti avant l’été sa première bande-dessinée réalisée quasiment en solo (tant au niveau du dessin que du scénario) : BURLESQUE GIRL. Une sorte d’œuvre « de la maturité » qui parle de pin-up, de voitures des années 50 et de rockabilly, et dont le second tome est déjà prévu pour avril 2013. D’ici-là, il nous parle de ce projet un peu à part mais aussi de son background gothic lolita…
Propos recueillis par Christophe Lorentz / Photos : Laurent Koffel
Pour commencer, peux-tu te présenter ?
Je suis dessinateur et aussi, depuis peu, scénariste. J’ai déjà fait trois livres illustrés aux éditions Soleil : GOTHIC LOLITA, ALICE AU PAYS DES MERVEILLES et LE PETIT CHAPERON ROUGE OU CE QU’IL ADVINT DANS LE VENTRE DU LOUP. Depuis peu, j’écris mes propres histoires et je les dessine. Je suis désormais aux éditions Ankama et je viens juste de sortir mon premier livre solo : BURLESQUE GIRL.
Comment s’est fait ce passage en solo et comment l’as-tu vécu ?
Juste après LE PETIT CHAPERON ROUGE…, Soleil m’a proposé de faire LA BELLE ET LA BÊTE. Je me retrouvais donc à nouveau avec une histoire d’une jeune femme et d’une bête poilue ! J’étais en train de faire du remâché de ce que j’avais fait avant, et j’avais l’impression que j’avais déjà tout dit sur le sujet : sur les contes, sur les lolitas… J’y reviendrai peut-être un jour, mais là j’avais envie de faire quelque chose de nouveau. Puis, à ce moment-là, plein de choses ont basculé dans ma vie privée : j’ai pris une grosse claque et j’ai grandi d’un coup. J’avais l’impression d’avoir été un éternel adolescent, et là j’étais devenu adulte ! Je ne me retrouvais plus dans ce que je faisais. Je me souviens que j’étais en train de rentrer d’un festival catastrophique – qui n’était pas un vrai festival mais une espèce d’arnaque où je dédicaçais dans un Centre E. Leclerc. J’avais 10 h de train au retour, j’étais complètement déprimé, j’avais un calepin et j’ai écrit BURLESQUE GIRL durant les 10 h de trajet. J’ai écris les deux tomes, j’ai fait tout le séquentiel… Et le lendemain j’ai dit à Soleil que j’étais désolé mais que je refusais de signer leur contrat. Donc je me suis mis à dessiner sur BURLESQUE GIRL. C’était un peu suicidaire parce que je ne savais pas du tout où j’allais, et que du coup je n’avais plus de salaire, plus rien, car on n’a pas de chômage dans ce métier (rires) ! Puis j’ai rencontré Olivier Jalabert, qui est directeur éditorial chez Ankama, et je lui ai présenté mon projet. Il m’a dit : « C’est cool. C’est très Ankama, c’est très toi : on te signe » ! Donc finalement ça s’est fait très vite.
Peux-tu nous présenter l’équipe qui t’entoure sur la BD BURLESQUE GIRL ?
J’ai écris le scénario et les dialogues. Le scénar ça ne m’a jamais fait peur : j’ai un long passé de rôliste, j’ai amusé des potes pendant 25 ans donc c’est bon, je connais mon affaire (rires). Mais, par contre, les dialogues ce n’était pas du tout mon truc. Alors j’ai demandé à Run, le directeur du label 619 chez Ankama qui est aussi auteur de MUTAFUKAZ, et qui a réécrit une très grosse partie des dialogues – notamment toute la première moitié. Pour la seconde partie, j’avais un peu plus pris le rythme, donc ça allait beaucoup mieux, même s’il a quand même mis sa patte là-dedans – ce qui m’a fait très plaisir parce qu’il me l’a bien arrangé. Ensuite, c’est moi qui me suis occupé de tous les dessins, de l’encrage, du story-board… En gros j’ai tout fait, sauf cette partie-là des dialogues et la couleur. Pour la couleur j’ai demandé à Nephyla, une fille que j’avais croisé chez Soleil parce qu’on était dans des collections jumelles : j’étais chez Blackberry, elle était chez Strawberry. Sinon, Ankama c’est la Roll Royce des maisons d’édition ! Mon éditrice est formidable, j’ai un vrai dialogue avec elle, j’ai un vrai retour immédiat – même de la part d’Olivier Jalabert, le directeur éditorial : il me répond quand j’ai besoin de lui alors qu’il est blindé de boulot. Mon attachée de presse est parfaite, les gens de la fabrication sont merveilleux, et tout se passe avec le sourire, dans la bonne humeur et les éclats de rire… et surtout de façon professionnelle !
Donc c’est une collaboration qui va se poursuivre avec Ankama ?
Je l’espère ! Là, de toute façon, je travaille sur le tome 2 de BURLESQUE GIRL. Après j’ai un projet de polar en huis-clos mais toujours sous un point de vue féminin : ça parle encore d’histoires de femmes. Ça n’est pas encore signé mais mon éditrice est a priori partante. Là aussi j’écris le scénario, et j’ai pris une coscénariste pour s’occuper justement du détail du séquentiel et des dialogues : elle s’appelle Mélissandre Lacaille, à la base elle écrit des livres de cuisine mais elle a une verve extraordinaire, elle écrit super bien, elle est vraiment géniale. Ensuite j’ai un autre projet, peut-être chez Ankama, peut-être pas, avec Christophe Arleston (le créateur de LANFEUST DE TROY, NdA), qui sera une BD érotique. Mais là c’est tellement délicat que c’est à prendre avec des pincettes : je veux toujours rester dans l’aspect féminin, je suis toujours militant féministe, et même si c’est léger dans ce que je fais, ça fait partie de moi donc je fais attention.
Justement, tout le monde s’accorde à dire que BURLESQUE GIRL est très pertinent au niveau du ressenti féminin : comment en tant qu’homme arrives-tu à parler aussi bien des femmes, à adopter leur point de vue ?
Disons que j’ai toujours fréquenté plus de filles que de mecs. Les filles se sont toujours confiées à moi et je me suis toujours confié à elles. Et pour BURLESQUE GIRL, vu que justement je marchais sur des œufs et que je pensais qu’on allait peut-être m’attendre au tournant, j’ai fait attention. Et vu que j’ai une de mes copines qui est une féministe intégriste – une dure de dure qui faisait partie de l’équipe dirigeante des Chiennes de Garde – je lui ai fait lire mon histoire, je lui ai fait part de mes dialogues, des endroits qui me semblaient sensibles… Je lui ai dit que je voulais complètement respecter le truc, et de me signaler si je faisais un impair. Donc plusieurs fois elle m’a tiré l’oreille – physiquement (rires). Non, je plaisante. Elle me disais : « Là ça ne va pas, fais attention, ce serait mieux que tu redresses le tir, mieux de dire ceci ou cela ». Donc je fais attention : quand je sens que c’est délicat, je demande conseil. Parce que j’ai beau penser connaître les femmes, je n’en suis pas une. Et comme disent les américaines : « No uterus, no opinion » (rires) !
Dans ce nouveau livre, tu as beaucoup mis l’accent sur la musique : le rock’n’roll est très présent. Est-ce que la musique est une influence majeure ? Est-ce que tu travailles en musique ?
Complètement ! Le rockabilly est la première musique dans laquelle je me suis vraiment retrouvé. J’avais 15/16 ans, et ensuite j’ai écouté du gothic, du punk, de l’indus, de la musique contemporaine… J’ai écouté plein de trucs bizarres, mais c’est vrai qu’il y a toujours cette constance au niveau du rockabilly : j’y suis toujours revenu. Effectivement, je travaille en musique, en écoutant toutes sortes de musiques et c’est vrai que pour BURLESQUE GIRL j’ai écouté essentiellement du rockabilly – et notamment Devil Doll qui a écrit la préface.
Tu peux nous la présenter un peu ?
Devil Doll est une chanteuse de rockabilly qui a monté son propre groupe et a sorti deux albums en dix ans. Elle a son propre label et c’est une nana qui se démène. Elle a été un peu mon modèle pour Violette, l’héroïne de BURLESQUE GIRL. C’est quelqu’un d’incroyable, qui fait des tonnes de trucs, qui se démène aussi pour plein d’autres filles… C’est une des premières à avoir fait son trou dans le rockab’, qui est un milieu très macho. Et elle a toute mon admiration.
Tu as connu le mouvement gothic lolita au Japon dès 1999, tu as été très investi dedans et tu en as même fait un livre… Comment est-ce qu’on passe des goth lolitas aux burlesque girls ?
À mes yeux c’est complètement lié, peut-être pas dans la forme mais en tous cas dans le fond. C’est une expression de la féminité, c’est finalement de la sur-féminisation : dans un cas comme dans l’autre les filles exagèrent leur féminité et ont quand même une démarche. Chez les lolitas c’est très enfantin, c’est très ado – c’est pour ça aussi que c’est un milieu qui est très limité, parce que quand les filles ont 16/17 ans, elles s’arrêtent et passent à autre chose. Certaines continuent et c’est bien, parce que je pense qu’alors elles sont dans une démarche plus artistique, elles ont un message à faire passer. Et justement, certaines passent au style pin-up, parce qu’elles ont besoin de se retrouver dans un corps de femme en tant qu’adultes…
Pour en revenir au mouvement gothic lolita, quel est ton point de vue aujourd’hui sur la façon dont ce mouvement s’est développé et a évolué en France ?
Je le suis beaucoup moins ces derniers temps, parce qu’il me semble en avoir suffisamment fait le tour au niveau de mes bouquins. J’ai l’impression qu’il s’est beaucoup répandu mais qu’il a aussi un petit peu dérapé avec sa popularisation. Et même s’il est ouvert, j’ai l’impression que la démarche a changé. Ce qui m’a beaucoup déçu, c’est que c’est devenu très mercantile : au début du mouvement, vu qu’il n’y avait pas d’accès facile aux marques, les filles faisaient des choses elles-mêmes. C’était vraiment du Do It Yourself un peu partout, il y avait vraiment beaucoup plus d’échanges. Et là je vois plus de la course à l’accessoire : j’ai l’impression que ça pourrait presque être plutôt de l’échange de cartes Pokémon !
Tu prépares donc la suite de BURLESQUE GIRL. Est-ce que ça pourrait être une série plus longue ou ça restera sur deux tomes seulement ?
Oui, ça pourrait être une série. Mais là c’est encore le même problème : est-ce que l’album va se vendre ? S’il se vend, si le public suit, éventuellement, je pourrai toujours faire une suite. J’adore mon héroïne : je me la suis faite tatouer sur chacun de mes bras. Cette fille a une importance phénoménale dans ma vie, même si elle est virtuelle (rires). Donc je pense que je pourrai parler de Violette encore longtemps.
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Nathalie
9 février 2013 at 13 h 52 min
François Amoretti est un homme adorable, d’une extrême gentillesse, avec une grande ouverture d’esprit. Au niveau artistique, il a un style unique, reconnaissable entre 1000.
J’ai eu la chance de rencontrer Fançois lors de la création de ma petite maison d’édition de produits dérivés et il s’est montré très ouvert à mon projet. A l’époque on ne parlait pas encore de Burlesque Grrrl et il m’a proposé de travailler dessus. Nous avons donc réalisé une série de produits dérivés sur cet album (Affiches d’art numérotées signées, t-shirt, cartes postales). Vous pouvez jeter un oeil ici : http://artsbd.fr/les-artistes-edites/francois-amoretti.htm. Cela ne fait que quelques que nous existons et déjà d’autres excellents artistes nous ont rejoint. Nous sommes très heureux et fiers de ces collaboration. On espère que notre maison a de l’avenir…